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L’humilité, une valeur prisée en entreprise

«L’humilité est l’antichambre de toutes les perfections». Cette citation de l’écrivain Marcel Aymé résume l’importance d’une qualité de plus en plus recherchée, notamment en milieu professionnel. Effectivement, un collaborateur humble s’inscrit aisément dans une dynamique de travail collectif et, par conséquent, contribue activement à l’atteinte des objectifs fixés par le head-office. Il est capable de donner le meilleur de lui-même et sait pertinemment apprendre des autres. Le seul risque que ce profil peut représenter c’est de masquer un manque de confiance en soi. Jean-Yves Arrivé, psychologue, consultant RH et coach, nous propose de découvrir ce profil à caractère particulier.

Conseil : L’humilité peut être considérée comme une qualité professionnelle. Comment définir les contours de ce concept ? 
Jean-Yves Arrivé :
Pour définir simplement l’humilité, on pourrait parler d’un comportement, voire d’un trait de personnalité. C’est la capacité à se voir de manière réaliste, à être conscient de ses forces tout comme de ses limites, de ses compétences autant que de ses incompétences. Et tout cela avec objectivité, sans être perturbé par ses croyances limitantes qui faussent la perception de ce que nous sommes ou par un mécanisme égotique qui va conduire l’individu à s’inventer des qualités ou des expériences qui n’ont pas existé ! Il est clair que ce n’est pas une qualité donnée à la naissance. Elle s’acquiert en fonction de l’environnement, de l’éducation, des modèles familiaux et éducatifs. Elle suppose un développement lié à l’expérience, au vécu, mais aussi une véritable maturité affective ! L’humilité est à l’opposé de l’orgueil, du narcissisme, de l’égocentrisme. En bref, dans l’entreprise, on pourrait considérer qu’il s’agit d’une bonne connaissance de soi, lucide et honnête. Si l’on accepte cette définition, l’humilité est effectivement une qualité professionnelle puisqu’elle permet l’efficience (je ne fais pas ce que je ne sais pas faire), la recherche de coopération (je travaille en lien avec mes pairs, mon équipe…). En revanche, il est clair que l’individu, même humble, doit disposer d’un socle de compétences, de connaissances et d’aptitudes pour pouvoir exercer au poste qui lui est confié ! Si l’écart entre le portefeuille de compétences attendues et celles du collaborateur est important, l’humilité ne servira pas à grand-chose ! L’entreprise a besoin pour chaque emploi d’un référentiel de compétences et de définir pour chacune le degré attendu : connaissances de base, bonne maîtrise ou expertise. Si le candidat est choisi à la lumière de cet outil, il sera la bonne personne. Et son humilité, si elle est authentique, lui permettra de s’intégrer harmonieusement dans le monde du travail. 

Est-il toujours rentable d’avoir un tel profil au sein de l’équipe ?
Oui, c’est une belle opportunité d’avoir des personnes humbles dans un collectif, dès lors, comme je viens de le dire, qu’il s’agit bien d’une véritable humilité. En effet, la fausse humilité, qui vise à obtenir des compliments de la part de l’entourage («mais non, tu es bien meilleur que tu ne le dis», ou encore «tu es parfait, sans toi que ferait-on !») est pénible et l’équipe se sent manipulée à la longue. Elle évoque le comportement d’une personnalité narcissique, qui interroge son miroir, tout comme le faisait la belle-mère de Blanche-neige («miroir, mon beau miroir, suis-je toujours la plus belle ?»). Le risque est parfois de masquer un manque de confiance en soi («je ne vois pas lucidement mes capacités, malgré les feed-back de mon entourage»), voire un manque d’estime de soi, plus profond. Comme nous le savons, l’estime de soi est un terme qui désigne le jugement ou mieux encore, l’évaluation qu’une personne a de sa propre valeur. Dans ce cas, la perte de l’estime de soi n’est plus du tout de l’humilité. C’est plus sûrement l’expression d’une souffrance psychologique, voire d’une pathologie qui ne peut être dépassée que dans le cadre d’un travail sur soi. Clairement, le collègue ou le manager authentiquement humble est un partenaire de travail idéal. 

Quels peuvent-être les apports d’un profil pareil et comment collaborer avec lui ?
Le collègue humble s’inscrit aisément dans une dynamique de travail collectif. Il est capable de donner le meilleur de lui-même dans ses zones de compétences, et de demander de l’aide ou de rechercher la coopération lorsque c’est utile. Cela lui permet en plus de progresser régulièrement pour le coup, car il sait apprendre des autres. Mais il devra savoir composer avec des collègues prétentieux et se faire respecter. Il est loin d’être à l’abri des coups bas fomentés par ceux qui associent humilité et faiblesse. Heureusement, l’humble peut tout à fait avoir une force de caractère qui lui permettra de réagir positivement en posant des limites et se faisant respecter pour ce qu’il est. Il sera d’ailleurs aidant pour une personne qui manque de confiance en elle et pourra être un très bon mentor. Il saura pointer les aspects positifs d’une personne et l’aidera même, si elle y est prête, à se revaloriser avec objectivité.

Comment réagit-il aux critiques au sein de l’entreprise ? 
A priori, la personne authentiquement humble n’aura pas de problème à recevoir des critiques, même si, suivant sa personnalité, elle pourrait se sentir plus ou moins affectivement blessée suivant le contexte et les modalités de cette critique. Mais à la base, l’humilité est le résultat d’un travail, d’une bonne connaissance de soi, de ses compétences, de ses capacités tout autant que de ses possibles manques, failles. Cela ne signifie pas pour autant qu’une personne humble acceptera sans réagir des critiques injustifiées. Souvent, elle y répondra de manière assertive. C’est-à-dire en y faisant face, sans agressivité, mais en argumentant le plus factuellement possible, en distinguant bien dans la critique ce qui est de l’ordre du rationnel, étayé par des faits, et du ressenti, ce qui est de l’ordre de l’affectif. Par ailleurs, la personne humble n’aura pas de difficulté particulière à reconnaître une erreur ou une insuffisance. On pourra alors aisément lui proposer de progresser sur cet axe et elle sera très impliquée dans son évolution. 

Pensez-vous qu’un leader faisant preuve d’humilité puisse s’imposer au sein de son équipe ? 
Pour ma part, je suis persuadé qu’un leader humble pourra en effet trouver sa légitimité rapidement et ce d’autant plus qu’il sera charismatique. Il saura mettre ses compétences, son attention et son respect des autres ainsi que son sens de l’écoute au service d’un leadership efficace. Il ne cherchera pas à flatter les bas instincts, la servilité, la flatterie, mais au contraire la coopération, la reconnaissance, les attitudes positives et constructives. Il encouragera le travail en équipe, il acceptera l’erreur dès lors qu’elle est reconnue par son auteur et analysée pour mettre en place des mesures correctives adaptées. Il n’hésitera pas à déléguer, faciliter le développement des collaborateurs. Il devra bien sûr savoir repérer les jugements implicites de certains, ne pas accepter les attitudes méprisantes et contre-productives entre membres du collectif. Encore une fois, l’humilité n’empêche en rien la compétence à poser un cadre, des règles et à les faire respecter avec fermeté, dès lors que cela fait partie de la mission confiée par l’entreprise. J’apporterai néanmoins une nuance à mon propos. Cela sera d’autant plus facile que les valeurs culturelles du pays et celles de l’entreprise seront en cohérence avec les valeurs de l’humilité : respect des personnes, équité, parité homme/femme, transparence, honnêteté. Dans certaines cultures, où l’on confond encore savoirs, diplômes et compétences opérationnelles, aptitude à occuper un poste et ancienneté générale des services, où l’on pense que le chef a toujours raison et qu’il est d’autant plus légitime que c’est un homme et qu’il est âgé, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de faire que l’humilité ne soit pas seulement qu’un beau concept philosophique ou religieux. Tout comme l’éthique, l’humilité authentique ne peut être un simple affichage. L’une comme l’autre se repère bien dans une pratique cohérente au quotidien ! 

Propos recueillis par Nabila Bakkass

Parution sur le site d’informations www.lematin.ma

Jean-Yves Arrivé

  • Fondateur et Président de Co-acting
  • Membre accrédité titulaire de la Société Française de Coaching (SFCoach), membre du C.A. de l’association de 1999 à 2012.
  • Auteur de plusieurs ouvrages sur le coaching, les émotions, la formation et le développement des compétences.
  • Enseignant durant 15 ans à Paris X, Paris XIII, au Celsa. Psychologue  et titulaire d’un 3ème cycle RH.
  • Formé à l’Analyse Systémique, la Gestalt et l’Analyse Transactionnelle.
  • Consultant et Praticien certifié ECPA : Golden, Bar’on, SOSIE, Tryptique, PFPI, Hexa3D, Talent Zoom, QCE, …