Préparer un projet professionnel, quand faut-il y penser ?
Hélas, notre système éducatif distingue toujours le temps des études, et le temps de la vie professionnelle, comme si les deux n’étaient pas interconnectés. Il faut reconnaître que les enseignants savent bien peu de choses sur ce que sont les attentes du monde du travail.
Cela ne signifie pas pour autant que c’est ce dernier qui doit définir les contenus, mais monde du travail et monde de l’enseignement doivent travailler de concert et là, on est loin du compte !
Donc, préparer un projet professionnel, c’est une activité qui devrait commencer dès 14/15 ans, au lieu de se limiter à ce que l’on appelle l’orientation scolaire, qui, il faut bien l’avouer est plutôt médiocre. Pourquoi ? Quand un randonneur s’oriente, il a son expérience du terrain, des cartes détaillées, une boussole, il a tracé son itinéraire pour atteindre un but… Nous demandons à des jeunes de choisir une filière scolaire alors même qu’ils n’ont souvent aucune idée de là où ils veulent aller !!
On n’accorde aucune importance à leurs intérêts, à leurs motivations (littéralement, ce qui va les mettre en mouvement) et on leur impose des cours « découpés en tranche » dans époque où la complexité et l’interdépendance règnent en maîtres !
Accompagnons les jeunes à tracer les grandes lignes de leur projet. La trajectoire ne doit être qu’un moyen au service d’une finalité : s’insérer dans l’activité professionnelle pour y trouver certes une rémunération, mais aussi une reconnaissance, une vie sociale, un plaisir d’agir …
Quels sont les réflexes à adopter pour établir un projet professionnel réussi ?
Le plus beau réflexe serait d’écouter d’abord ses envies, ses aspirations, ses rêves les plus fous, sans mettre de barrières dans un premier temps.
Puis, dans un second temps seulement, on pourra faire le tri, hiérarchiser et identifier quelques pistes pour lesquelles il va falloir se document, investiguer, rencontrer des professionnels qui sont déjà dans l’activité pour valider que cette envie peut devenir un projet.
Il sera alors temps de vérifier qu’on a les compétences et la motivation pour aborder une filière scolaire qui pourra permettre d’avancer dans ce sens, ou à tout le moins de se fixer des étapes réalistes, tenant compte de la capacité de travail, des moyens financiers dont on dispose et des capacités offertes par les établissements de formation.
Comment le présenter face, notamment à un recruteur, un responsable universitaire ?
Face à un recruteur, il s’agit de montrer que l’on a compris le métier, le poste, la fonction, mais aussi l’environnement de l’entreprise, ses atouts, ses contraintes.
On va montrer certes ses compétences, ses diplômes mais plus encore sa motivation réelle (pas juste un discours, tout doit être en harmonie : le verbal, le non verbal, …).
On va témoigner de sa volonté de s’impliquer dans un projet, dans une équipe en parlant de ses propres expériences vécues (stages, petits boulots, activités extra-professionnelles, sportives, investissement associatif,.. )
N’oublions pas que de nombreuses compétences sont transférables d’une activité dans une autre. Si je sais fédérer autour d’un projet dans un club sportif, dans une association de quartier, j’ai les clés pour le faire dans le monde du travail.
Avoir un projet professionnel c’est aussi important quand on veut se reconvertir. Comment procéder dans ce cas ?
On sait que le marché de l’emploi n’est pas toujours très ouvert aux reconversions. Il a tendance à privilégier dans un recrutement une compétence déjà confirmée. Donc un « débutant de 40 ans » n’est pas forcément le bienvenu.
Donc il faut faire un véritable bilan de son portefeuille de compétences, étudier les emplois-cibles et en connaître les exigences. Il sera sans doute nécessaire de s’engager dans une formation complémentaire. Mener son projet professionnel à son terme est un travail comparable à celle du coureur de fond. Inutile de démarrer en trombe en voulant brûler les étapes. Si le projet n’est pas suffisamment détaillé, les contraintes mal identifiées, les délais trop courts, il peut tomber à l’eau, ne jamais voir le jour… Dans ce cas, c’est l’estime de soi, la confiance en soi qui en prennent un sacré coup !
Souvent, un accompagnement adapté (consultant RH, coach compétent pour accompagner un projet de ce type) sera un atout important.
Quels sont vos conseils ?
Il faut construire solidement son projet en étant factuel et pragmatique. Il faut le valider ensuite en s’appuyant sur l’expertise d’un RH, d’un manager aux compétences avérées, celle d’un coach s’il connaît réellement le monde du travail !
Ainsi un gestionnaire de production dans le monde pharmaceutique qui veut devenir chef de projet marketing devra bien sûr se former au nouveau métier, mais il gagnera à intégrer d’abord une entreprise du secteur dont il est issu pour ne pas devoir gérer deux changements : compétences métier et culture d’entreprise.
Ainsi, s’il vise le secteur des I.T., il va plutôt opérer ce changement en deux étapes.
Et surtout, il faut croire en soi, avoir une estime de soi solide, être d’abord convaincu soi-même de la solidité de son projet, car sinon, il sera impossible de convaincre un interlocuteur. Un accompagnement est souvent nécessaire, voire indispensable.
Il faut prouver sa motivation, faire des concessions parfois (j’accepte un salaire de début qui serait celui d’un jeune débutant, car au fond, je suis un débutant dans ce nouveau métier), avoir de l’humilité et développer la montrer qu’on saura coopérer avec les équipes en place.
Interview pour le premier quotidien francophone du Maroc : « Le matin »
Jean-Yves Arrivé
- Fondateur et Président de Co-acting
- Membre accrédité titulaire de la Société Française de Coaching (SFCoach), membre du C.A. de l’association de 1999 à 2012.
- Auteur de plusieurs ouvrages sur le coaching, les émotions, la formation et le développement des compétences.
- Enseignant durant 15 ans à Paris X, Paris XIII, au Celsa. Psychologue et titulaire d’un 3ème cycle RH.
- Formé à l’Analyse Systémique, la Gestalt et l’Analyse Transactionnelle.
- Consultant et Praticien certifié ECPA : Golden, Bar’on, SOSIE, Tryptique, PFPI, Hexa3D, Talent Zoom, QCE, …